C’est toujours un truc de se dire que la première portion d’un pèlerinage est passé. Terminer. Finit. Over. Mais comment enquiller l’après, la suite ? Repartir en somme. Même si ça reste logique - parce que ça paraît bien con dit comme ça - c’est une réalité.
Mais depuis cette interrogation bien du temps s’est écoulé. 652 km précisément. Donc j’ai eu le temps de potasser cette question au fil du calcul de mes groles.
Je crois que c’est mental au final. Enfin c’est un truc qui se passe à l’intérieur : sinon tout retomberait comme une poupée de chiffon. L’image n’est d’ailleurs pas choisie au hasard de mes pérégrinations « cabochiennes » - vous excuserez l’invention mais je trouve que les lettres sonnent bien -.
Régulièrement en marchant j’ai eu cette vision. En déroulant ma cadence, je me suis souvent observé comme si je marchais juste devant moi. Un peu le compagnon de route qui soulève la poussière juste devant. Et quand cela arrive, mon double finit par s’affaisser au sol avec tout le drapé de sa dégaine. Comme une poupée de chiffon dans la main qui lui donne vie et la soutient.
Je crois que lorsque le corps arrive à la conclusion que c’est terminé alors il se relâche. Toute la fatigue qui se planquait, prend toute la place. Il n’y a plus que ça qui compte. Elle fait loi… et le corps s’engourdit pour entamer sa récupération. Cela arrive après un grand effort. Cela réfute l’idée que le corps et l’esprit sont dissociables. Les deux s’influencent grandement.
L’Arianisme prônait cela. Le tacle est peut être gratuit mais cela me donne le lien avec saint Martin qui l’a combattu durant sa vie.
Mais rien n’est retombé. La poupée de chiffon ne reste qu’une projection théorique de moi-même. Je ne me suis pas écroulé sachant que le chemin de saint Martin était terminé et que le reste de la route m’attendait. Non. Rien de tout ça. Je suis encore gaillard et bien portant. Malgré cela : des douleurs aux pieds quand même. Pas mal même sur ces dernières semaines.
Plusieurs explications à cela : des étapes hautement kilométriques, de nouvelles chaussures depuis la Serbie, un rythme rapide.
Je ne serai résumé tout ce qui est arrivé depuis ces quelques jours.
La fin de la Hongrie avec : quelques rats ; de belles rencontres ; des amis venus marché avec moi ; la rencontre avec la communauté française de Budapest ; beaucoup de nuits dehors ; une soirée aux allures de guet-apens romantique - ou sexuel c’est selon - ; un passage au stand de tir ; une matinée de marche avec un jeune hongrois …
La Croatie, où j’ai mangé les kilomètres rapidement : mes recherches de Liberland et Verdis qui se sont révélées caduques ; le passage par Osijek, où Branko Breskié a opposé sa Fiat rouge aux T55 en juin 1991 …
La Serbie enfin, où je me trouve en ce moment. Une découverte interessante d’ailleurs. J’attend malgré tout beaucoup le sud du pays car j’ai le sentiment qu’il sera moins agricole. Les champs de maïs, de tournesols et de blé m’ont épuisé. Enfin, c’est pas fou en somme. Thibault, qui était venu en France pour marcher avec moi jusqu’à Albertville, m’a accompagné de Stara Pazova jusqu’à la capitale Serbe. Nous avons d’ailleurs rencontré Goran, un serbe vivant à l’Isle Adam. C’est l’endroit où j’ai été de nombreuses années chef de troupe scout. Marrant quand même.
Et puis Belgrade. Une ville étonnante où les constructions modernes et sales semblent avoir pris racine au milieu des anciens bâtiments et églises orthodoxes. Les serbes me semblent être des hommes et des femmes de l’efficace. L’esthétique ne semble pas avoir voix au chapitre. Mais je ne suis qu’aux débuts de ma découverte de ce pays nouveau. Alors le Kosovo et la Macédoine qui suivront, vous imaginez.
Une dernière chose. Vous le savez peut être mais la Serbie ne reconnaît pas le Kosovo. Pas de frontières à proprement parlé, juste des points administratifs. La carte que j’ai récupéré à l’office de tourisme d’ailleurs, l’englobe avec pour titre : « la Serbie, ce grand pays »… c’est pour cela - et aux vues des mouvements militaires récents entre les deux pays - qu’il me faut être en règle. Alors demain, je passe au commissariat pour obtenir le tampon pour mon passeport. Espérons que je ne serai pas pris en grippe par les autorités locales et que leur zèle ne me fera pas finir en garde à vue. Car pour le moment, je suis comme un clandestin. Certains m’ont dit que oui, d’autres que le tampon n’était pas nécessaire… mais l’ambassade paraissait bien embêté à la vue de mon cas. D’ailleurs, eux pensent que ça va être compliqué de passer en Kosovo… nous verrons bien ce qu’il en est !
Rdv la semaine prochaine pour la suite de l’histoire !
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